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11 avril, 2018 | André Dumont, alias Inspecteur D
Les locataires paieront une bonne partie des dépenses? C’est là tout l’intérêt d’acheter un petit plex pour y habiter. Sachez cependant que votre comptable, le fisc et les prêteurs hypothécaires ne font pas les calculs de façon aussi optimiste que vous.
Imaginons un duplex à 475 000 $ où vous irez habiter le rez-de-chaussée. Vous additionnez le paiement hypothécaire, les assurances et les taxes scolaires et municipales. Les frais mensuels s’élèvent à 2900 $, mais avec le loyer de 1100 $ à l’étage, ils fondent à 1800 $. Les locataires qui paient 38 % des frais, c’est merveilleux!
Facile à faire, ce petit calcul rend attrayant l’achat d’un petit plex pour propriétaire occupant. S’il y a moyen de toucher un loyer encore plus élevé, ou de mettre aussi en location un espace de stationnement ou un logement supplémentaire au sous-sol, cela devient encore plus intéressant.
Cette vision simpliste des chiffres ne colle nécessairement pas à la réalité. Vous devrez composer avec les mises en garde de votre comptable, les règles implacables du fisc et la peur du risque des prêteurs hypothécaires.
Le comptable
Un bon comptable vous encouragera à tenir compte de l’entretien. Selon l’âge et les dimensions du bâtiment, on doit prévoir un montant représentant de 1 % à 5 % de sa valeur en entretien annuel, soutient le comptable Richard Morin.
« Quand on est propriétaire d’une maison unifamiliale, on fait les travaux à notre rythme. Quand on a des locataires et que survient un dégât d’eau, les travaux sont à faire immédiatement, qu’on ait les liquidités ou pas. » – Richard Morin, comptable professionnel agréé
Il faut aussi prévoir les mauvaises créances. Le locataire parfait qui se blesse au travail pourrait soudainement cesser de payer son loyer, par exemple.
Le nerf de la guerre, ce sont les liquidités. Un petit pécule dans un compte épargne, ou l’accès à une marge de crédit hypothécaire pourront vous permettre de traverser les épreuves inattendues.
Le fisc
Une bonne partie des dépenses seront « déductibles d’impôt ». C’est vrai. Si l’étage est loué et que vous occupez le rez-de-chaussée et tout le sous-sol, seulement 33 % des dépenses de l’immeuble pourront être soustraites de vos revenus. S’il n’y a pas de sous-sol habitable, alors ce pourrait être 50 %. L’usage du terrain ne compte pas.
Ce pourcentage ne s’applique qu’aux travaux qui bénéficient à tous les occupants, comme les réparations aux murs extérieurs, au toit, à la plomberie centrale ou à la structure.
« Si le propriétaire rénove sa propre cuisine, c’est déductible à 0 %, prévient Richard Morin. Par contre, si les travaux sont uniquement dans le logement loué, les frais sont déductibles à 100 % ».
Au moment de préparer votre déclaration d’impôt, vous serez heureux d’apprendre que les intérêts payés sur le prêt hypothécaire sont une dépense admissible, selon le pourcentage de l’immeuble occupé par les locataires.
À l’inverse, la portion de remboursement en capital incluse dans chaque versement hypothécaire n’est pas une dépense admissible. En fait, le fisc la considère comme un revenu imposable, même si tout cet argent se retrouve dans les coffres du prêteur.
La banque
Dès que des logements locatifs sont en jeu, les prêteurs hypothécaires font des calculs très conservateurs. Ils ajoutent aux dépenses mensuelles un taux d’inoccupation ainsi que des frais de gestion, de conciergerie et d’entretien.
Vous croyez que les revenus de loyer faciliteront l’approbation du prêt? Détrompez-vous! « Les loyers ne comptent pas pour grand-chose, prévient le courtier hypothécaire Jacques Dionne. Parfois, ils ne font presque pas de différence dans le calcul du prêteur. »
Selon Jacques Dionne, la plupart des institutions prêteuses ne tiendront compte que de 50 % des revenus de location. Avec une mise de fonds supérieure à 20 % du prix d’achat, on pourra trouver une banque qui acceptera de considérer 80 % des loyers.
Ce n’est pas tout. À l’exception de certaines banques, presque tous les prêteurs hypothécaires ajouteront ce pourcentage des loyers à vos revenus d’emploi, plutôt que de le déduire des dépenses de l’immeuble. Si votre banque tolère un ratio d’endettement qui représente 35 % de vos revenus mensuels, alors seulement 35 % des revenus de loyers qu’elle accepte de considérer serviront à faire augmenter votre capacité d’emprunt.
Cet article fait partie de la série Histoires de plex, publiée dans La Presse en juillet 2016. L’auteur, André Dumont, est inspecteur en bâtiment et chroniqueur.