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24 août, 2015 | André Dumont
Gros orage sur Montréal, un soir d’août 2010. Le téléphone sonne, il est 22 h. « André, c’est Benoît, ton locataire. Y’a une fontaine au sous-sol et l’eau se répand partout. » Les égouts refoulent. Quelle joie pour le nouveau propriétaire que je suis!
Sur place, l’avaloir de sol crache un geyser d’un mètre. Je patauge dans cinq centimètres d’eau pour aller boucher l’avaloir avec une serviette. L’eau sortira-t-elle ailleurs? Heureusement, la tempête se calme. L’inondation au sous-sol aura été de courte durée et les biens des locataires sont épargnés.
Cet épisode d’adrénaline aurait été évité si je n’avais pas remis à plus tard l’installation de clapets. Deux mois plus tard, ce sera chose faite : un clapet pour l’avaloir de sol, un autre pour la laveuse.
En inspection
Dans le cadre d’une inspection préachat, je repère au sous-sol les clapets existants, j’en vérifier l’état s’ils sont facilement accessibles et je suggère l’installation s’ils sont absents.
Dans les maisons unifamiliales, le clapet peut être installé sur la conduite maîtresse des eaux usées. Il se ferme dès qu’il y a refoulement et l’eau des égouts ne peut plus avancer vers l’intérieur. Il faut alors éviter de se doucher ou de tirer la chasse d’eau à maintes reprises, car ces eaux ne pourront pas sortir de la maison.
Dans les multilogements, c’est autrement plus compliqué. Le Code de plomberie et les règlements municipaux ne permettent pas de bloquer les refoulements à la source avec un clapet sur la conduite maîtresse.
Chaque appareil de plomberie situé sous le niveau de la rue, au sous-sol, doit être protégé à l’aide d’un clapet. On en installe en aval de l’avaloir de sol, au siphon d’une laveuse ou d’un lavabo branchés individuellement sur la conduite maîtresse et aux branchements qui recueillent les eaux usées d’une salle de bain ou d’une cuisine.
Tempêtes
Lors de pluies diluviennes, la situation peut devenir critique dans les multilogements à toit plat, même avec des clapets. L’eau du toit se vide par la colonne centrale avant de rejoindre la conduite maîtresse au sous-sol.
« L’eau des égouts va remonter jusqu’au niveau de la rue et rejoindre l’eau du toit qui remplit la colonne. C’est alors que ça “glougloute” dans les toilettes sur les étages. » – Henri Bouchard, directeur du service technique à la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec.
En théorie, l’eau des égouts ne devrait sortir nulle part. Cependant, l’eau du toit peut se mettre à sortir par la toilette ou le bain du rez-de-chaussée. « Même si tous les appareils ont été bien installés, la situation devient impossible à gérer », affirme Henri Bouchard.
Des égouts de 125 ans
Dans sa Déclaration du vendeur, le propriétaire doit indiquer si des refoulements d’égouts ou d’autres problèmes significatifs sont déjà survenus avec le système de plomberie. Certains quartiers subissent des refoulements plus souvent que les autres. Le vendeur et son courtier devraient pouvoir vous renseigner.
Les refoulements les plus spectaculaires se produisent dans quartiers les plus anciens, où les eaux grises et les eaux pluviales empruntent la même canalisation. On parle alors d’égouts combinés.
« Certaines conduites à Montréal ont plus de 125 ans. Elles peuvent être partiellement obstruées par des sédiments, les joints peuvent s’être décalés, des sections affaissées. » -Saad Bennis, professeur de génie de la construction à l’École de technologie supérieure.
Ajoutez à cela les changements climatiques qui provoquent plus d’orages violents, la densification urbaine et les surfaces bétonnées et asphaltées qui n’absorbent plus les eaux de ruissellement et la capacité du réseau est vite dépassée.
Les secteurs les plus élevés d’une municipalité sont moins à risque, reconnaît Saad Bennis. Mais si la conduite sous la rue est sous dimensionnés ou bouchée, un refoulement peut quand même se produire.
Les clapets encrassés, mal entretenus, peuvent ne pas fonctionner en cas de refoulement, prévient Saad Bennis. L’expert en systèmes d’égouts municipaux n’est pas de l’avis des plombiers qui prétendent que l’eau des égouts ne montera jamais plus haut que le niveau de la rue.
« Avec certains types d’orages et à des endroits spécifiques, il se produit de l’instabilité hydraulique. Il y a surpression et sous-pression et rien ne peut plus résister à la force de l’eau. Il n’y a pas si longtemps à Montréal, on a vu des geysers soulever des voitures stationnées au-dessus de bouches d’égout. »
Cet article est une adaptation de ma chronique du 5 juillet 2014, dans La Presse+.